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Désherbant total : qu’est-ce qui se cache derrière ce terme

Qu’appelle t-on désherbant total ? Produits agropharmaceutiques incontournables en agriculture, les herbicides ont pour fonction d’aider à lutter contre les mauvaises herbes. Toutefois, quand on parle d’herbicides, un terme revient de façon récurrente : celui de désherbant total. De quoi s’agit-il exactement ? Qu’est-ce que ces herbicides ont de particulier ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce terme ?

Un désherbant total, c’est quoi exactement ?

Les désherbants totaux, également appelés herbicides non sélectifs ne sont pas conçus pour agir spécifiquement contre certaines espèces végétales. Le terme « total » signifie que ces désherbants tuent tout matériel végétal avec lequel ils entrent en contact. Ils s’utilisent pour nettoyer les sites industriels, les terrains vagues, les voies ferrées et les remblais ferroviaires.

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Le paraquat, le glufosinate et le glyphosate sont des herbicides non sélectifs.

Paraquat : un désherbant total interdit dans l’UE

Le paraquat est un sel d’ammonium quaternaire appartenant à la famille des herbicides bipyridiniques. En 1955, la société anglaise Imperial Chemical Industries développe le paraquat comme herbicide de contact. Et la division agricole de cette entreprise fait maintenant partie de la société suisse Syngenta. On lance le paraquat pour la première fois en 1962 sous le nom commercial Gramoxone. Et il figure aujourd’hui parmi les herbicides les plus couramment utilisés.

Utilisations

Les spécialistes classent ce désherbant total comme herbicide de contact non sélectif. Les principales caractéristiques qui distinguent le paraquat des autres agents utilisés dans les produits phytopharmaceutiques sont les suivants:

  • Le paraquat tue un large éventail de graminées annuelles et de mauvaises herbes à feuilles larges;
  • Son action est très rapide;
  • Il résiste à la pluie quelques minutes après application;
  • Le paraquat est partiellement inactivé au contact du sol

Ces propriétés conduisent le monde agricole à utiliser le paraquat dans le développement de la culture sans labour. On emploie donc ce désherbant total contre les plantes à feuilles larges et les graminées. Comme ce puissant herbicide ne pénètre pas dans l’écorce des arbres, on peut donc l’employer pour lutter contre les mauvaises herbes dans les vergers et les vignobles. C’est le cas par exemple dans les plantations de café, de thé, de palmiers à huile et de bananes. Malgré son utilisation fréquente, il y a peu de cas de résistance à ce désherbant total chez les mauvaises herbes.

En Afrique du Sud, on maintient les couloirs anti-incendie bien dégagés, à l’aide de paraquat pour prévenir les incendies de forêt et de brousse. Ce désherbant total sert également à sécher plus rapidement le matériel végétal. C’est un outil important pour le contrôle des mauvaises herbes dans de nombreux milieux agricoles et non agricoles. Il s’emploie également comme défoliant sur les cultures, comme le coton, avant la récolte.

Effets sur la santé et sur l’environnement

L’Union européenne approuve l’utilisation du paraquat en 2004, mais la Suède, soutenue par le Danemark, l’Autriche et la Finlande, font appel de cette décision. Et en 2007, le tribunal annule la directive autorisant le paraquat en tant que substance phytopharmaceutique active, déclarant donc que la décision de 2004 est erronée. Le paraquat devient donc un produit interdit dans l’Union européenne en 2007.

Aux États-Unis, le paraquat est un produit à usage restreint. Cela signifie que seuls les applicateurs agréés peuvent l’employer. Il y a une campagne internationale en cours pour une interdiction mondiale. Or, le paraquat est un produit bon marché et donc populaire dans la plupart des pays en développement. Un petit groupe de pays, dont l’Inde et le Guatemala, ont donc bloqué l’inscription du paraquat comme produit chimique dangereux par la Convention de Rotterdam.

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Les personnes qui utilisent du paraquat ou d’autres pesticides ayant un mécanisme d’action similaire sont plus susceptibles de développer la maladie de Parkinson.

En 2011, une étude des National Institutes of Health des États-Unis montre un lien entre l’utilisation du paraquat et la maladie de Parkinson chez les travailleurs agricoles. Un co-auteur de l’article déclare que le paraquat augmente la production de certains dérivés de l’oxygène qui peuvent endommager les structures cellulaires.

La toxicité induite par le paraquat chez le rat est également liée à des mécanismes dégénératifs neurologiques de type Parkinson. Une étude du Buck Institute for Research on Aging montre aussi un lien entre l’exposition au paraquat chez les nourrissons et la maladie de Parkinson à un âge avancé. Une méta-analyse de 2013 publiée dans Neurology révèle que l’exposition au paraquat est associée à une augmentation d’environ 2 fois du risque de maladie de Parkinson.

Glufosinate : puissant herbicide extrait d’une bactérie

Le glufosinate est un herbicide total à large spectre qu’on emploie pour lutter contre les mauvaises herbes. Il agit contre les plantes monocotylédones et dicotylédones. L’absorption ne se fait pas par les racines, mais principalement par les parties vertes de la plante, où elle inhibe la glutamine synthétase. Cela conduit à l’accumulation d’ammonium dans le tissu foliaire de la plante suite à une carence en glutamine et autres acides aminés. Son action conduit à une inhibition de la photosynthèse, à la chlorose et finalement à la mort du tissu foliaire et de la plante entière.

Utilisations

En tant qu’herbicide de contact, le glufosinate est efficace uniquement sur les parties végétales avec lesquelles il entre en contact. Cela lui permet d’éliminer les adventices sans affecter les racines. Cela est particulièrement important pour les zones sujettes à l’érosion telles que les pentes.

On l’applique sur les jeunes plants en début de croissance pour une efficacité totale. Le glufosinate s’emploie généralement par pulvérisations dirigées pour la suppression des mauvaises herbes, y compris dans les cultures génétiquement modifiées. On peut également l’utiliser comme dessiccateur pour faciliter la récolte. Le glufosinate peut offrir une certaine protection contre diverses maladies des plantes, car il agit également pour tuer les champignons et les bactéries.

glufosinate
L’herbicide Finale contient du glufosinate. C’est le cas de bien d’autres désherbants comme Challenge, Rely et Bilanafos.

Le glufosinate (ou phosphinotricine, son sel d’ammonium) s’utilise dans des herbicides comme liberty, Finale et Basta. Il sert à pour tuer les plantes indésirables dans les zones paysagères où une destruction complète de la végétation est souhaitée. Cela comprend les aéroports, les écoles, les stationnements, les bords de route et les emprises ferroviaires. Il s’utilise également en pulvérisation dirigée autour des plantes ornementales, dans les plantations d’arbres de Noël, les vergers de fruits et les vignobles.

L’utilisation du glufosinate devrait augmenter considérablement au cours des prochaines années en raison du développement de plantes cultivées qui ont été génétiquement modifiées pour tolérer le glufosinate. Ces cultures comprennent le maïs, les fèves de soja, le canola, les betteraves sucrières, la canne à sucre et la patate douce.

Effets sur la santé et sur l’environnement

Comme le glufosinate est très souvent utilisé comme desséchant avant la récolte, des résidus peuvent être trouvés dans les aliments que les humains ingèrent. Ces aliments comprennent les pommes de terre, les pois, les haricots, le maïs, le blé et l’orge. De plus, le produit chimique peut être transmis aux humains par le biais d’animaux nourris avec de la paille contaminée. Il a été constaté que la farine produite à partir de grains de blé contenait des traces de glufosinate.

L’herbicide est également persistant. On le retrouve dans des épinards, des radis, du blé et des carottes plantés 120 jours après un traitement avec du glufosinate. Sa demi-vie varie de 3 à 70 jours selon le type de sol et la teneur en matière organique. Les résidus peuvent rester dans les aliments congelés jusqu’à deux ans et il n’est pas facilement détruit par la cuisson dans l’eau bouillante.

Le glufosinate ressemble chimiquement à la glutamine. La glutamine est une molécule employée pour transmettre les influx nerveux dans le cerveau. Les symptômes neurotoxiques observés chez les animaux de laboratoire après ingestion, exposition cutanée ou inhalation comprennent les convulsions, la diarrhée, l’agressivité et le déséquilibre mental.

Le chien semble être l’animal de laboratoire le plus sensible au glufosinate. Une ingestion de glufosinate pendant deux semaines provoque une insuffisance cardiaque et circulatoire entraînant la mort.

L’exposition d’animaux de laboratoire gravides au glufosinate provoque une augmentation de l’accouchement prématuré. Elle cause aussi de fausses couches et l’arrêt du développement des reins fœtaux. Des concentrations de moins d’une partie par million (ppm) provoquent la mortalité des larves d’huîtres et de palourdes.

Glyphosate : désherbant total efficace, mais controversé

Le glyphosate est un herbicide non sélectif, ce qui signifie que toutes les plantes traitées avec ce désherbant meurent. Ce désherbant total est efficace pour tuer une grande variété de plantes, y compris les graminées, les dicotylédones et les espèces ligneuses. En volume, c’est l’un des herbicides les plus utilisés au monde.

Utilisation du glyphosate
Le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Il est couramment employé à des fins agricoles, horticoles, viticoles et sylvicoles, ainsi que pour l’entretien des jardins.

Utilisations

On utilise très souvent le glyphosate dans l’éradication des espèces envahissantes et la restauration des habitats, en particulier pour améliorer l’établissement des plantes indigènes. Pour obtenir un effet optimal, il est généralement associé à un herbicide sélectif et à des méthodes traditionnelles d’éradication des mauvaises herbes telles que le paillage.

Dans de nombreuses villes, le glyphosate est pulvérisé le long des trottoirs et des rues, ainsi que dans les crevasses où poussent souvent les mauvaises herbes. Cet herbicide est également utilisé pour la dessiccation des cultures afin d’augmenter le rendement et l’uniformité de la récolte. Le glyphosate lui-même n’est pas un déshydratant chimique. Toutefois, son application juste avant la récolte tue les plantes cultivées de sorte que la culture vivrière sèche plus rapidement et plus uniformément.

Des cultures résistantes au glyphosate ont été créées grâce à des méthodes de génie génétique. Au nombre de celles-ci, on compte le maïs, le soja, le coton et le colza. Avec ces cultures génétiquement modifiées, le cet herbicide très efficace peut également être pulvérisé lorsque les plantes ont déjà poussé. L’utilisation n’est pas seulement possible avant le semis, mais à n’importe quelle étape du cycle cultural. Une combinaison culture résistante au glyphosate + application multiple de glyphosate se justifie par les avantages économiques qu’apporte cette forme de lutte contre les adventices.

Certains adventices résistants à ce puissant herbicide ont récemment fait leur apparition. Des plantes comme Amaranthus palmeri ne peuvent plus être éliminées en utilisant uniquement du glyphosate.

Débat sur ses effets sur la santé et sur l’environnement

Comparé à d’autres herbicides, le glyphosate a surtout une mobilité plus faible, une durée de vie plus courte et une toxicité plus faible chez les animaux. Ce sont des propriétés généralement souhaitables pour les herbicides agricoles.

Un débat public et scientifique intense se développe sur la question de savoir si ce puissant herbicide peut provoquer le cancer ou favoriser sa genèse. À partir de 2015, cette discussion s’intensifie. Une initiative citoyenne européenne appelle à l’interdiction du glyphosate avec près de 1,1 million de signatures. Fin 2017, certains états de l’UE et des organismes de protection de l’environnement souhaitent que le produit soit interdit dans l’UE. La raison avancée est que ce désherbant total est « probablement cancérogène pour l’homme ». Ce classement est le fait de l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS. Et il date de 2015.

D’autres autorités et organisations, dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) contredisent cette évaluation. Une réunion conjointe du comité sur les résidus de pesticides de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de Santé Canada et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) conclut aussi que le glyphosate dans les aliments n’est pas cancérigène.

En 2014, une étude montre les conséquences d’une éventuelle interdiction de cet herbicide dans l’Union Européenne. Si le glyphosate cesse d’exister, les agriculteurs dépenseraient plus de temps dans le contrôle des mauvaises herbes. Sans ajustements et innovations significatifs, les agriculteurs de l’Union Européenne auraient des pertes de rendement élevées.

Ces pertes pourraient représenter jusqu’à 14,5 millions de tonnes. Afin de garder les mêmes niveaux de production que par le passé, il faudrait accroître les superficies cultivées de 2,4 millions d’hectares. Cette expansion des superficies entraînerait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Alternativement, l’UE pourrait être contrainte d’importer davantage de produits agricoles.

Que retenir d’un désherbant total ?

Les herbicides totaux constituent le fer de lance de l’agriculture moderne. Ce sont indéniablement des aides utiles, mais les abus sont innombrables. L’appât du gain conduit à une utilisation déraisonnée de ces produits. Et c’est cet emploi irresponsable qui menace désormais l’environnement et la santé humaine. Les herbicides totaux ne sont pas le problème, le vrai problème, c’est la quête du profit à tout prix.